L’irréparable que beaucoup d’observateurs craignaient, à la faveur du conflit avocats-magistrats, s’est malheureusement produit et toutes les tentatives de médiation dans le but d’éteindre l’incendie avant qu’il ne se déclenche ont échoué.
Hier, la guerre a été officiellement déclarée entre les avocats et les magistrats à la suite de l’annonce par le procureur général près le Tribunal de première instance de Tunis de l’ouverture d’une information judiciaire à l’encontre de cinq avocats parmi les membres du comité de défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi qui ont fait irruption jeudi dernier dans le bureau du procureur de la République près le même tribunal, accusant le parquet de refuser l’instruction de l’affaire dite de «l’appareil secret» pour des raisons politiques.
Pour être plus clair, il n’est plus question maintenant de débats même acharnés sur l’indépendance de la justice ou d’accusations fondées ou non avenues à l’encontre de juges qu’on accuse d’être à la solde de certaines parties politiques ou d’obéir aux ordres qui viennent d’en haut dans le but de préserver les intérêts ou la position de certains politiciens impliqués dans des affaires et que la justice se doit de sanctionner.
Aujourd’hui, les juges et les avocats ont dépassé le stade des polémiques juridiques pour se déclarer une guerre fratricide dont personne ne peut prétendre être en mesure de prévoir l’issue et surtout affirmer qui en sortira vainqueur.
Plus encore, à qui profite cette guerre et quelles seront ses incidences sur la marche du processus démocratique tunisien à ce moment sensible de son parcours où il a plutôt besoin de la cohésion, de la solidarité, de la mobilisation et de la veille continue de la famille élargie de la justice où avocats et juges constituent les piliers ?
Ces interrogations sont d’autant plus légitimes et les craintes de voir l’expression démocratique échouer sont encore plus sérieuses que le pays traverse une période marquée par une atmosphère de doute, de suspicion et de méfiance nés des résultats de l’élection présidentielle du 15 septembre, verdict dont plusieurs forces n’ont pas encore réussi à contenir le choc, alors que d’autres cherchent toujours comment en atténuer, au maximum, les pertes.
Que faire maintenant, au moment où les tambours de guerre chauffent des deux côtés et alors que la confrontation semble inévitable ?
L’on se pose la question en espérant que les bonnes volontés et les personnalités nationales dont la voix est encore écoutée interviendront pour proposer une solution qui préserve et la crédibilité des juges et l’image que les avocats ont réussi à acquérir en tant que défenseurs de la liberté et du droit.